L'une chante des incantations, toujours les mêmes :
"Ma vie est géniale car c'est ainsi que je la veux. Je crois en moi, c'est pour cela que je suis toujours séduisante, même avec mes cheveux gris, mes rides, mes rondeurs, tous autant de preuves d'une existence bien remplie : mes cheveux, mes années. Mes rides, mes sourires et mes pleurs. Mes kilos : mes excès (faute avouée moitié pardonnée ?), mes bébés, mon amour pour les bonnes choses".
L'autre la regarde avec attention et songe....
Tes cheveux gris ? Ils sont moches tes cheveux mais je ne peux pas te le dire. Tu les revendiques tellement. T'es-tu demandée à quel point c'est chiant de devoir te mentir comme ça à longueur de temps ?
Tes cheveux gris ne sont pas argentés et doux. Ils sont connement gris et ternes, avec des trainées marrons, souvenir de ta couleur d'avant... Ils sont rèches et mal coupés en plus.
Tant qu'à faire, pourquoi n'essais-tu pas le blanc directement ? Ce serait tellement mieux non ? Mais bon, tu t'en moques, ton jules t'aime ainsi. Même s'il regarde avec insistance toutes tes copines...
Tes rides ? Mouai, comme tu veux. Après tout c'est ta tête. Mais tes rides et ces plis épais qui ont alourdi ton visage au fil des années, ces lèvres amincies que tu ne sais plus maquiller, et bien, écoute, ça ne m'amuse pas autant que toi.
Non pas que j'ai honte de me balader avec toi dans la rue, de peur qu'on pense que nous ayons le même âge. Mais ça craint.
Je ne te demande pas de courir après un lifting, mais apprendre à se maquiller pour éclaircir ton teint et remonter tes traits, affiner un sourcil, éclairer un oeil, ça ne va pas te couper un bras non ?
"Pour qui" me répondrais-tu, si seulement j'osais te dire tout ça...
Ben pour toi d'abord, tiens pardi ! Pour moi aussi, j'aime les belles choses autour de moi. Pour ton jules également et tes enfants. Dur d'avoir une mère qui "fait" son âge.
Et puis tiens, merde, ton jules, tu me gaves sans arrêt avec : il est trop ceci, pas assez cela. Alors, il te rend encore heureuse ou pas, après toutes ces années ?
Si j'étais dans tes chaussettes, il y a belle lurette que j'aurais joué la fille de l'air avec un boulet pareil.
Normal au fait qu'il t'aime telle que tu es aujourd'hui car tel qu'il est aujourd'hui, LUI, vivre aux côtés d'une bombe lui serait tout bonnement insurmontable. Si c'est lui ton critère référentiel.... ?
Tes rondeurs, tes seins qui montrent le sud, ton cul en taille 46 ?
Ben, excuse-moi, mais rondelette et friolette que tu étais à 30 ans, c'est nettement moins léger à regarder aujourd'hui que tu en as 20 de plus.
Car tout ceci c'est gras et c'est mou. Note qu'il y a des hommes qui aiment ça (personnellement, je n'en ai pas rencontrés, et finalement tant mieux !).
C'est gros et donc, ça tombe, merci Newton. Rien de très vitaminant dans la courbe descendante.
Ah oui, les enfants, et donc tu as grossi ? Je suis peut-être garce, mais je trouve l'excuse un peu grosse, si je peux oser un jour te dire en face ce que j'en pense.
Explique moi pourquoi certaines femmes en poussent 5 au monde en restant sveltes et alertes et toi, avec 2 à peine, tu es passée de la fiancée de Michelin à la grand-mère de Zeppelin ?
Tu sais pourquoi j'ai envie de te dire tout ça ? Même si je n'en pense pas la moitié ? Pourquoi j'ai envie de te faire mal et de te coller les boules ?
Parce qu'au bout de toutes ces années, je craque.
J'en ai marre de ton oeil suspect sur mes mèches chatains, c'est ma couleur et excuse moi, à 49 ans, de ne pas avoir un cheveux blanc. Sauf un, oui, mais pas sur la tête. Apparu il y a deux ans et disparu ensuite. Je te laisse deviner où ça donc...
J'en ai assez de tes commentaires sur ma peau : non, je n'ai pas de rides, à peine des vergetures (souvenir d'une boulimie à 15 ans). Et si tu veux tout savoir, je me suis chargée de tout ce qui me chagrinait.
Car cela me chagrinait, oui, de me lever tous les matins sans savoir quelle tête j'allais trouver dans la glace de la salle de bain.
Selon mes hormones ou le sucré-salé absorbé la veille au soir. Un coup une tête potable, un coup une tête comme une patate soufflée. Aujourd'hui, j'ai tous les matins les yeux ouverts et tu n'imagines pas à quel point cela me fait plaisir. A moi !
C'est ton choix de ressembler à ta grand-mère, c'est mon choix de me ressembler, à moi.
J'en ai jusque-là de ton oeil sur les étiquettes de mes vêtements.
De tes remarques, "tu as encore maigri, tu n'es pas malade au moins ?". De devoir sans arrêt te rassurer que non, je suis née comme ça !
Ligne haricot vert versus ligne haricot blanc aurais-je envie de te répondre.
J'en ai marre quand tu me gâches mes repas à me dire "ah toi, alors, tu en as de la chance. Manger comme une vache et ressembler à une chèvre." Ta blague favorite...
Marre de me retenir de faire publiquement le décompte de tes gros bourrelets affreux, quand tu fais le décompte de mes os d'un air faussement amical.
Enfin, je suis lasse de tes jugements de valeur sous-entendus dans tes "toi, tu fais ce que tu veux, tu rentres chez toi quand tu veux le soir. Tu pars en vacances n'importe quand. Normal, quand 'on n'a pas d'enfants".... points de suspension...
Quoi, c'est quoi ce sous-entendu "on n'a pas d'enfants". On est donc définitivement bloqué à la case ADO ? La vie en est moins utile, on a moins d'importance, on est irrémédiablement futile, irresponsable et vaine ?
Je vais sans doute déstabiliser ta sérénité de femme à cheveux gris et à rondeurs et "qui assume". Mais toi, tu ne me fais pas envie. Non, tu es différente et je ne me compare pas à toi. Car je te prends comme tu es et je t'aime, même si tu me gonfles à ne pas comprendre qu'on a beau être maigre, à la recherche d'un beauté extérieure pour soi-même, et sans enfants, on n'en est pas moins heureuse, comblée et dotée, vois-tu, d'une "possible" beauté intérieure.
Laisse-moi vivre les années qui me restent comme je l'entends et rigole avec moi plus souvent, il parait que le rire ça fait mincir (zut ! je ne l'ai pas dit !!!)
;)
Ah un dernier point et qui va te faire bondir. J'ai vu chez la belle Dom (qu'elle soit assurée que ce billet ne lui est pas destiné surtout !!!) un concert de louanges bien consensuelles pour la campagne publicitaire de Dove. Inutile de te dire que ce cortège de démagogiques monstruosités n'a rien eu pour m'inciter à acheter ces savonnettes et tomber dans un panneau gros comme l'himalaya...
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