Ce n'est pas parce que c'est gratuit que ce n'est pas horriblement coûteux
Ce n'est pas parce que c'est volontaire que ce n'est pas outrancièrement scandaleux !
Je m'explique.
En cette période - qui dure et qui s'étend - de compressions budgétaires de toutes natures, squeezant les chômeurs, les malades, les handicapés, les étudiants, les lycées, les retraités, les ménagères de moins de 50 ans... j'en oublie... ?
Il y a des organismes qui jettent l'argent par les fenêtres comme le feu à Rome par Néron !
Qui ?
Les caisses de retraite pardi !
Il y a un mois, Je reçois un courrier quitchissime de ma caisse : vous qui êtes en chômage longue durée, ne restez pas seul !
Comment résister à l'émotion d'un tel appel, même si je ne suis pas le chômeur de longue durée à plaindre, accumulant portages et missions. Merci mon dieu !
Mais un mélange de curiosité et d'intérêt (on ne sait jamais et restons ouverts !) m'incite à prendre rendez-vous avec un "conseiller d'accompagnement". Il est même précisé que c'est un "expert privé en outplacement", quel programme miam !
Le jour-dit, je me pointe au siège rutilant de cet organisme. Ca commence mal. Mon "conseiller" m'ayant demandé de venir plus tôt suite à l'annulation d'un rendez-vous.
Je me débrouille comme je peux pour, au final, attendre et attendre encore l'heure précédemment déprogrammée, ce personnage ayant entre-temps rempli son agenda !
Déjà, c'est just limit et pas un mot d'excuse de sa part. "Que voulez-vous, c'est la vie".
Il faut dire que je suis médusée par son apparition. C'est un vieillard cacochyme (Sarko peut se réjouir, les ancêtres reprennent du service !) et sec qui me serre à peine la main.
Je le suis dans son bureau. Pas un ordinateur en vue. Des dossiers en carton empilés et dégorgeant de partout.
"Excusez-moi Madame, je ne sais pas ce que j'ai fait d'une photocopie".
Et le voilà qui me fait perdre 9 minutes (j'ai compté) à chercher dans tous les coins un papelard qui n'a rien à voir avec moi, mais avec la personne précédente. "Zut, ahhh ! j'ai dû le lui donner par erreur, bon bon, alors à vous.... !"
Avant que j'ai eu le temps d'en placer une, il se lance illico dans une apologie du "rangement" : "votre dossier de points de retraite est-il à jour ? je vous conseille de faire des chemises, une pour les points non cadre et une pour les points cadre !".
Putain de merde, il commence à me gaver, ce type !
"Et bien, cher monsieur, je vais m'y employer, merci pour vos bons conseils d'organisation, je vais tâcher de suivre l'exemple de votre bureau... Et puis, la retraite, faudrait encore que je puisse y arriver en travaillant, voyez-vous" Et attrape !
"Bon, bon, certes... D'abord, il faut compléter la fiche vous concernant : nom, prénom, s'il vous plait, numéro de sécu, nombre d'enfants ?".
Attends, coco, je suis là pour quoi donc ? Pour remplir ta putain de fiche ou pour parler boulot ?
Un quart d'heure après... le bougre prenant plaisir à étaler sa science sur mon lieu d'habitation ou sur les avantages de la propriété versus les aléas de la location... et aussi patiente qu'une cocotte-minute sur le point de péter la maison, je lui glisse mon CV.
"Ah la la, madame, mais vous savez, le secteur de la communication n'est pas porteur !".
"Bien, ça dépend pour qui monsieur... vous savez, avec les nouveaux médias et tous les métiers qui sont en train de s'inventer, il y a de quoi faire ! L'internet, par exemple..."
"L'internet vous dites ? quelle horreur ! A quoi ça sert d'abord ? ce matin, j'ai cherché à acheter quelque chose en ligne et le site était impossible..."
(Moi, compatissante) "Quel site ? puis-je vous guider ?"
"Un site de porcelaine, pour acheter des assiettes..."
(Moi : silence......... et grande solitude)
"Ah, je vois ici que vous tenez un blog... c'est quoi un blog ?"
(Allons, allons Cath, sois gentille, tu gagnes ton paradis là !)
"Alors, les blogs c'est... bla bla bla... historique, raison d'être, catégories de blogs, présent, futur et avenir... bla bla bla"
"Très bien, vous vous y connaissez. Merci pour ces informations mais je crois que je n'ai pas besoin d'un blog... Ah, que je vous dise, madame, vous savez vous exprimer clairement, c'est une qualité !"
(Moi, épuisée) "Ben, vous savez, c'est aussi un peu ce qui fait mon métier... Ah tiens, je m'intéresse au design aussi. Actuellement, j'aide un client pour son mobilier en Corian..."
"Quoi, comment vous écrivez ça ? c-o-r-i-a-n-e (non pas de "e" dugland !), c'est la première fois que j'entends ce mot... ! Bon alors, tout ça c'est très bien mais qu'est ce que vous comptez faire à présent ?"
"Déjà, continuer ce que je fais actuellement et trouver de nouveaux clients. J'ai un souci avec ça car je déteste la prospection. Si vous aviez un ou deux conseils à me donner...."
"Quoi !!! Mais la prospection, ce devrait être 95 % de votre temps !"
"Je vais dire ça à mes clients actuels, ça va leur plaire... mais bon, Ok, vous vous y prenez comment vous, par exemple, monsieur ?"
"Je prends des listings (où ???), j'écris avec une plaquette que j'ai fait moi-même car voyez-vous, je m'y connais en communication (et vlan ! encore un !), et je relance au téléphone. C'est comme ça qu'on fait madame !"
"Ca craint un peu la relance téléphonique non ? vous arrivez à passer le cap des secrétaires vous ? et puis à mon âge, ça fait un peu cheap d'envoyer un courrier comme si je cherchais un stage non ?"
"Certes... Mais ça marche pour des personnes que je conseille. Et quand elles vont en clientèle, elles sont équipées d'une carte de visite. Vous en avez ? D'une plaquette ? Vous n'avez qu'un site, c'est pas bien du tout ça, vous croyez que les gens ont du temps à perdre avec votre internet ?"
(Moi, silence prostrée, j'ai renoncé. Il continue)
"Et puis, ils vont en clientèle avec leur machin, là, leur photoshop !"
(Je me réveille !)
"Un photoshop ? en clientèle ? excusez-moi, monsieur, mais de quoi parlez-vous ?"
"Oui, enfin, ce truc là, vous savez, avec des diapos"
"Un powerpoint ?"
"Oui, c'est ça, un powerpoint, qui présente leurs travaux"
"Attendez un peu, monsieur, je crois qu'en clientèle, il faut d'abord se taire et laisser parler le client in extenso. Sans le moindre "photoshop" ou papelard sur la table. Personnellement, j'écoute, le client me dit tout en fait. Et je lui répond en fonction de ce que je comprends de son besoin.
On vous a déjà saoûlé avec un powerpoint vous, sans prendre en compte votre demande ? Vous trouvez ça bien, vous, monsieur ?"
"Certes, votre façon de procéder n'est pas mauvaise, mais vous devriez quand même faire une plaquette et un powerpoint"
(J'ai le choix, soit je lui fous ma main sur la figure, soit je reste bien élevée. Après tout, c'est un vieux. Respect aux anciens...)
"Bon, monsieur, il est temps, je crois, que vous me disiez en quoi vous pouvez m'aider. Je vais t'emmerder, devenir ton pire cauchemar, te conduire à la dépression et à ta perte, parce que grâce à moi, vieux hibou, tu as appris, des tas de trucs et moi j'ai perdu 2 heures de ma vie ! Car je suis venue avec l'intention de me faire aider d'une façon ou d'une autre. Alors ?"
"Alors, et bien, rien, je le crains. Hé hé hé ! Continuez ce que vous faites."
"Vous avez une carte de visite, monsieur ?"
"Non, excusez-moi, je n'en ai pas...."
A votre avis, les consultations de cet "expert" coûtent combien à ma/notre/votre caisse de retraite ?
(inutile de regarder de mon côté, je n'ai qu'une vague mais néanmoins épouvantable idée du montant !)
Enfin, ce type de service ne relève-t'il pas de l'alibi social, permettant à divers organismes de se prévaloir de "solidarité" ?
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