Il y aurait-il quelque impatience dans l'air au sujet de ma soirée dans la proximité immédiate de Monsieur David Lynch ? Cette affaire singulière ne pouvant se conter qu'au plus profond de la nuit, après avoir rassemblé quelques "fragments d'idées", il vous faudra attendre un peu...
Mais, sans délai car ne pouvant contenir plus longtemps les électrochocs visuels et sonores assénés dès la pénétration d'un espace immense où "The Air is on Fire", résolument !...
voici quelques "instants" du travail de plasticien de David Lynch, artiste absolu.
Oeuvres picturales ou bien maux et mots mis en forme lors de tableaux déchirants, de photographies retravaillées au scalpel, de dessins linéaires et terrifiants, tel des croquis d'enfants ayant tout deviné de l'obscénité du monde des adultes...
Scénographiées telle un road movie du subconscient, avec un parcours d'accrochage et une lumière sourde à la nuance près.
Syncopées par le "son", composé et interprété par Sir David, pour une expo qui m'apparait comme le premier film jamais accroché à une cimaise.
D'abord plasticien avant d'être cinéaste, fortement influencé par Kadinsky, Edward Hopper (dont on retrouvera l'essence dans les décors de Twin Peaks), ou Francis Bacon (pour les corps sublimés et tourmentés, notamment dans Eraser Head ou Mulholland Drive), David Lynch a assemblé, morceau après morceau, un univers peuplé de figures troubles.
Là encore, l'artiste en revient au point de départ de toute son oeuvre : les idées.
Pour lui, dès qu'une idée fait irruption, il voit déjà le tableau, un "champ d'enthousiasme"... et de tous les possibles.
Car, lors du processus créatif, la traduction de l'idée évolue et le résultat final ne ressemble pas du tout à l'idée initiale.
Il lui est arrivé de détuire certaines oeuvres, en réaction au résultat.
Non par dépit, mais dans le cadre de la prolongation de son processus créatif.
C'est la "destruction créative".
Fort amusante à pratiquer, en outre, selon lui. L'humour est omniprésent chez David Lynch !
Que peut-on dire des toiles de David Lynch ?
Ce sont des situations, des scripts, des ébauches d'histoires étranges comme les films qui suivront.
"Tous mes tableaux sont des drames, violents et organiques. Il faut qu'ils soient réalisés violemment, de manière primitive et grossière. Je n'ai pas appris à peindre les côtés les plus lumineux de ma vie. Mais j'ai toujours aimé les deux côtés et j'ai toujours cru que pour apprécier un côté, il fallait connaître l'autre - plus on concentre d'obscurité, plus on voit de lumière".
Les dessins ?
Ainsi que je le pressentais, ce sont des croquis de cauchemars, à la fois personnels à David Lynch et universellement évocateurs.
Souvent jetés sur n'importe quel support lors de la réalisation d'un film, ils reprennent les motifs qui obsèdent l'auteur : l'enfance, la famille, le foyer, le feu, l'ampoule qui vacille, les luminaires et les tapis.
On peut y entrer pour y vivre une aventure hors du commun : la sienne.
L'oeuvre photographique ?
Si proche de son univers cinématographique.
Tout y passe : les beautés glauques, les brouillards, les usines, les paysages orphelins.
David Lynch fixe sur le papier des "choses industrielles ou humaines" avec une beauté trouble qui évoque déjà leur néant annoncé.
"Tout a commencé dans la sombre Philadelphie. La ville pourrit mais elle est d'une beauté fantastique. Les produits chimiques et la nature produisent quelque chose qu'il serait impossible d'obtenir dans que l'homme et la nature aient travaillé ensemble".
Passer de la peinture au film est venu assez logiquement : "J'ai vu cette peinture bouger avec du son et je me suis dit qu'il serait intéressant de réaliser une peinture mouvante"...
David Lynch, "The Air is on Fire", à la Fondation Cartier, jusqu'au 27 mai 2007.
Citations de David Lynch extraites du magazine Beaux Arts.
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