Contre toute attente, David Lynch -qui réalise ses films à partir d'abstractions, de "fragments d'idées", nous donnant des oeuvres telles des rêves ou des livres dont l'interprétation diffère selon chaque rêveur ou lecteur- est singulièrement ancré dans la réalité et dans la nature humaine et environnementale, dans ce qu'elles ont de plus profond.
Je ne devrai pas dire cela, à quelques heures de rencontrer David Lynch et de tenter de tenir une conversation cohérente avec lui (c'est moi qui vais avoir des soucis de logique car Sir David est un orfèvre de l'expression orale), mais les deux seuls films que j'ai véritablement pigés, du début jusqu'à la fin sont :
Elephant Man et puis, bien sûr, ce "petit" film passé casiment inaperçu lors de sa sortie en France : Une Histoire Vraie (titre original : "The Straight Story").
... reprogrammé sur Arte le 15 février dernier.
Ces films sont sans doute contés de façon plus "académique", mais l'image et les personnages font définivement partie de l'univers si singulier de ce grand cinéaste.
Laissez-moi vous parler de "Une Histoire Vraie", film profondément émouvant et baigné du regard attendri de David Lynch... également piqué d'humour, trait omniprésent de son oeuvre.
D’abord, le scénario est tirée justement d’une histoire vraie : Alvin Straight, interprété par Richard Farnsworth (pic ci-dessus), vieil homme, parcourant des centaines de kilomètres sur une tondeuse à gazon pour rendre visite à son frère malade...
Tout le monde connaîtra cette histoire parue dans le New York Times. Lynch en fera un "road movie" lui permettant de dresser un portrait émouvant d’une Amérique profonde.
Pas réactionnaire, mais ancrée dans ses mythes fondateurs, dont la conquête de l’ouest fait partie.
La solidarité entre les habitants des petites villes confrontées aux problèmes quotidiens, le courage exceptionnel à travers cette course, tout cela fait penser à un western moderne incrusté de sagesse. D’ailleurs, Alvin, quand il perdra son chapeau de cow boy dans un coup de vent, ira le chercher, malgré ses problèmes d’articulations.
La chevauchée et la conquête sont présentes, mais dans une forme particulière : l’acte héroïque pour retrouver une fraternité perdue.
Avec ce film, Lynch nous montre le vrai visage de la ruralité.
Historiquement, les petits fermiers, aux USA, ont d’abord été la cible des grandes firmes et des banques, notamment lors de la crise 1929 (on pourra relire « Les raisins de la colère » de Steinbeck pour l’occasion).
De cette destruction des petits exploitants, il en est rester une grande solidarité.
Cela sera bien montré tout au long du film.
L’absence d’Alvin à sa partie de cartes quotidienne sera tout de suite interprétée comme préoccupante par ses vieux amis.
Même la grosse bonne femme qui cherche à se bronzer le visage en y mettant un carton argenté dessous sera affolée de voir Alvin gisant sur le sol.
Une profonde humanité se dégage de chaque personnage. La campagne rapproche, la ville éloigne les êtres.
Le film se termine bien.... !
Ce qui rend la proximité des mouchoirs encore plus souhaitable, bizarrement.
A tout à l'heure, Monsieur Lynch ! et par avance, merci pour tous ces rêves que je ne comprends pas toujours....
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