L'actualité avec une présidentiable bardée de quatre enfants et la sortie de "Qui gardera les enfants ?", par l'historienne et féministe icônoclaste Yvonne Kniebiehler m'incite à ouvrir la question du féminisme et de la maternité.
Selon l'historienne, les militantes féministes ont fait fausse route en décidant d'ignorer la maternité, plutôt que de la défendre.
Ce qui a eu pour effet de culpabiliser des générations de femmes depuis les années 60 et d'entretenir une ambiguité malsaine sur le rôle que les femmes peuvent tenir dans la société: "plus femme que maman, plus force de travail que maman, la femme doit être tout plus que maman".
Il est vrai que les féministes avaient de quoi se méfier : le ventre des femmes n'ayant jamais eu grand chose à attendre des idéologies. Les besoins de grandeurs nationales des états totalitaires, dictatoriaux ou libéraux ayant fait basculer depuis le XIXème siècle la maternité dans le domaine public.
Au service de l'église, de la patrie et de la famille dans l'Occident libéral et populationniste. Au coeur des priorités du national socialisme nazi avec les "3 K" (Kinder, Kirche, Küche : enfants, église, cuisine) réduisant la femme à sa fonction reproductrice de la race supérieure. Corvéable à merci car pivot de la "famille socialiste forte et unie" dans le modèle soviétique.
De fait, les grandes figures du féminisme, telle Simone de Beauvoir (entretien avec P. Viansson-Ponté ici), ont longtemps défini la maternité comme un obstacle à la vocation humaine de transcendance. En d'autres termes, "la femme ne peut consentir à donner la vie que si la vie a un sens ; elle ne saurait être mère sans essayer de jouer un rôle dans la vie économique, politique, sociale".
Mais justement, au sein des combats des militantes sur la sexualité, la maîtrise de la fécondité, le pouvoir et le travail, la maternité aurait dû devenir un enjeu central de l'identité féminine car elle est avant tout une fonction sociale.
Et non un fait social se traduisant surtout par de lourdes inégalités au foyer et au travail, entre les sexes ET entre les femmes.
La véritable libération de la femme passe par la défense et la valorisation de la réalité maternelle.
S'il faut aider les femmes à ne pas être mère quand elles ne le souhaitent pas, il faut tout autant les aider à l'être quand elles le souhaitent.
Sinon, la conquête de la maîtrise de leur fécondité n'aura eu que peu de sens.
Et la vie plus généralement : "écouter ses élans du coeur et ne pas faire les choses à contre-coeur... un bébé élevé par une maman heureuse de ses choix, même s'ils ne correspondent pas à une norme sociale stricte, a plus de chance de devenir un adulte heureux un jour... le regard critique des autres est renforcé par le poids des médias. Magazines, journaux, télé, pas une semaine sans qu'on y décortique un comportement, qu'on donne une recette pour être au "top" de n'importe quoi... la dictature des média n'est pas une vaine expression. Ils figent les idées, normalisent les comportements. Cela crée beaucoup d'angoisses dans une société basé sur l'image qu'on donne de soi."
L'erreur de nombreux courants féministes, notamment anglo-saxons, et la confusion qui s'est ensuite installée durablement dans les esprits, est d'avoir tenté d'assexuer la société (rappelez-vous les ciseaux brandis !), de remettre en cause l'identité des hommes, voire même leur existence.
En France, le courant féministe s'est fondé majoritairement sur
l'égalitarisme avec une approche universaliste de l'espèce humaine.
En recherchant une égalité complète entre les deux sexes, il nie la spécificité des femmes en les sacrifiant sur l'autel du patriarcat d'où est né le mythe de la "wonder woman", jonglant avec le bureau, la famille, les amis, tout en cultivant un physique de top model.
Peut-on y voir un progrès de l'humanité ? Pas vraiment.
Par contre, cet archétype véhiculé par la société culpabilise les femmes qui ont le sentiment de ne jamais être "à la hauteur".
Bref, à force de mélanger les rôles, de vouloir "féminiser" les hommes, les pères, le monde du travail, on a abouti à un malaise chez les hommes vis-à-vis de leur identité et de profonds malentendus entre hommes et femmes, pénalisant ces dernières : "ah ! vous avez voulu être nos égales, et bien démerdez-vous à présent !"
Le véritable enjeu de la libération de la femme (et de l'homme dans la foulée) était et demeure, pour le siècle naissant, de tordre le cou aux inégalités sexuées.
Car pour l'heure, les femmes contemporaines ont, dans une large majorité, perdu toute illusion sur le partage des tâches éducatives et ménagères et la juste reconnaissance de leurs compétences au travail, avec pour seule perspective d'être doublement exploitées à la maison et au boulot !
La parité est-elle la solution ? Voter la parité, c'est souligner une différence de
nature entre hommes et femmes et risquer de renforcer l'identification
des secondes à une catégorie humaine différente et n'ayant donc pas les
mêmes droits...
Certaines féministes rétorquent à cela que la parité n'a pas pour objet de gommer la différence biologique entre les sexes, mais de tendre à un effacement de la différences des genres : ce n'est pas la nature qui empêche les femmes d'accéder à l'Assemblée Nationale ou les hommes de rester à la maison s'occuper des enfants, c'est la construction du genre qui veut que les petits garçons jouent à la guerre et les filles à la poupée... Le "on ne nait pas femme, on le devient" du Deuxième Sexe n'est jamais très loin.
La discrimination positive, très en vogue aux Etats-Unis, me met personnellement mal à l'aise : favoriser les femmes parce qu'elles ont longtemps été exclues du système... parce qu'elles étaient des femmes...
Le courant américain dualiste plaide, quant à lui, pour des femmes cantonnées dans la sphère privée, les hommes se réservant le public. Tout ce qui fait la spécificité
des femmes -et notamment la maternité- y est célébré.
Et, ainsi que
le note Elisabeth Badinter dans son ouvrage "XY, de l'identité
masculine" : "on assiste à un retour en force de la célébration du
sublime maternel. Là serait le destin des femmes, la condition de
leur puissance, de leur bonheur et la promesse de la régénération du
monde si mal traité par les hommes".
En attendant la fin des inégalités sexuées et le début de la régénération du monde...
les acquis pour les femmes et leur ventre doivent être maintenus et défendus, car incertains, fragiles et menacés (par exemple, la fermeture de nombreux centres de planning familiaux en France par "manque de moyens", la fin du remboursement de la pilule, la montée en puissance des curetons de toutes obédiences, etc...).
A vos témoignages et à vos humeurs, idées et opinions !
>> A lire également, chez Corinne :
"Les femmes 3 en 1 ont la santé !"...
Conclusion des chercheurs : les femmes peuvent tout mener de front :
une carrière, un vie en couple, des enfants. C’est même excellent pour
leur santé.
"Lire" mai 2006 : une interview fleuve d'Elisabeth Badinter, grande spécialiste des rapports homme-femme. Titre de l'article : "Les femmes retournent à la maison. Pourquoi ?" Cette philosophe constate un phénomène nouveau qu'elle date d'il y cinq à sept ans...
Sources :
Témoignage d'Aline dans Maternage
Yvonne KNIBIEHLER, Francine DESCARRIES et Gérard NEYRAND
Françoise Thébaud
Olivier Berthelot et Natacha Henry
Nicole Edelman
Icônographie : Getty images, AFP, Aubade
"Chaque pas mène vers un résultat escompté ; l’espoir se mesure au degré de combativité."
Fatou Diome - Le Ventre de l’Atlantique
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