Cath et son groupe avaient débarqué deux jours plus tôt à Mexico airport, après une énorme frayeur lorsque les ailes de l'avion avaient caressé les toits des quartiers accolés à l'aéroport, phase terminale d'un piqué en chûte libre entre les montagnes.
"Les pilotes sont des anciens du Viet Nam !" avait-elle ricané à ses ouailles hébétées au passage de la douane.
Dernière occasion de blaguer ma grande...
Dès lors, elle n'avait cessé de courir de chambre en chambre, dans l'hôtel surchauffé (panne de courant à répétition ôtant toute espérance à un semblant de ventilation), aux couloirs parfumés à l'anti-mites.
En effet, "le groupe", comme elle qualifiait cette masse informe et plaignante dont elle avait la charge, avait voulu fêter son premier soir sous les tropiques, boudant le dîner prévu par l'agence de voyage, pour aller s'encanailler dans un bouge, sur les hauteurs volcaniques de la ville.
Résultat : une "turista" -comme on dit pour éviter d'avoir à parler de chiasse immonde- avait foudroyé ses 18 voyageurs, l'obligeant à déprogrammer leur départ pour Merida le lendemain et à faire les yeux doux auprès du taulier pour garder toutes les 10 chambres 2 à 3 jours de plus, en pleine saison !
Pour faire bon compte, elle n'avait bien sûr été nullement affectée par la moindre évacuation impromptue de ses fluides et tenait solidement sur ses jambes... situation sanitaire qui ne manquait pas d'éveiller les soupçons de son groupe, évoquant entre eux un sombre complot destiné à foutre à l'air leurs vacances afin de faire une plus grosse marge sur leur dos...
Tout simplement, Cath savait que la bouffe mexicaine est par nature immangeable, autant le poisson que le poulet baignant dans des sauces tomates graisseuses, accompagnés d'improbables cactus bouillis. Elle avait donc, plus par manque d'enthousiasme que par prudence, sauté ce premier diner, se contentant de boire une bière tiède et de grignoter des pistaches.
Du coup, pour se venger, les membres du groupe venaient régulièrement à toute heure de la nuit taper à sa porte. "Dites, vous pouvez venir voir ?". Et la voilà en train d'inspecter avec les maris en rogne les fonds de cuvette laissées par les femmes alitées en proie à des douleurs abdominales agrémentées de flatulences pestilentielles. Ou inversement. Epouses survoltées et maris à l'agonie.
Le taulier les regardait, tous autant qu'ils étaient, y compris la pauvre Cath, d'un sale oeil, et avait décidé de se venger à son tour, en ne dispensant qu'au compte-gouttes les rouleaux de PQ dans les salles de bain...
A force de regarder et renifler dans les lunettes -une bien curieuse façon d'aborder le Mexique et ses splendeurs-, Cath avait fini par chopper leur "truc" et au milieu de la troisième nuit, s'était réveillée en sueur, frappée au bas-ventre par un grand coup de poignard.
Il fait nuit noire. Elle cherche à tâtons l'interrupteur au-dessus de sa tête et appui. Sans résultat. Coupure de courant de nouveau ?
Toute fébrile, elle tente de se rappeler la géographie de sa chambre. Son sac de voyage posé sur la table au pied du lit. Plus loin, vers la gauche, la porte de la salle-de-bain. Bien...
Prudemment, elle se glisse hors du lit en serrant les fesses et avance à tâtons le long du matelas jusqu'au pied du lit.
Les bras tendus comme une aveugle et se rappelant, soudain, de se munir de papier, elle fouille au hasard dans son sac pour en sortir des paperasses et des journaux. Puis atteignant le mur d'en face, elle se glisse tout le long de la pièce comme une alpiniste au bord d'un gouffre et fini par atteindre, ainsi, les toilettes.
Nouvel essai de lumière. Rien. C'est définitivement une coupure de courant. Lavabo... WC... humpffff....nous y voilà.
Cath s'effondre sur le trône au moment où ses boyaux liquéfiés grincent à rendre l'âme.
"Le diable m'emporte ! Quelle puanteur...."
Après un dernier spasme, elle commence à s'essuyer, puis s'essuyer et s'essuyer encore. Soudain, la lumière revint d'elle-même et là, elle se rend compte qu'elle en est à la douzième souche des billets de retour...
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