D'un côté, le fort sympathique Olivier Besancenot -quand il parle je comprends tout et mon banquier a voté pour lui au premier tour, c'est dire si on l'aime, ce loulou !- lance le premier Parti au monde Anticapitaliste, sur les cendres de la Ligue Communiste Révolutionnaire, rien qu'un nom pareil, ça donne envie de quitter son écran et aller concocter des mixtures à base d'essence dans son jardinet de banlieue...
Olivier est enchanté !
De l'autre, le très éminent professeur d'économie (Berkeley, Harvard), Robert Reich, ancien ministre du travail auprès de Bill Clinton, intellectuel américain ayant milité, sans succès à ce point, pour le relèvement du salaire minimum aux States et l'abolition de la peine de mort.
Qui déclare, en vrac, le capitalisme se renforce au détriment de la démocratie. Quant à l'Europe, elle va devenir supercapitaliste....
Robert est déprimé !
Pour les tribulations du premier, on pourra tous les suivre en direct live à la téloche.
Voyons-voir de plus près ce que nous raconte le second...
- A quoi reconnait-on le supercapitalisme ?
A la concurrence toujours accrue entre les entreprises, provoquée par l'émergence des nouvelles technologies, la mondialisation et les déréglementations. Parts de marché, course au pouvoir pour leur survie.
Tenus par les intérêts des actionnaires, les patrons ne peuvent plus prendre en compte les intérêts des autres parties prenantes de l'entreprise (salariés, fournisseurs, collectivités). Ceci sape la démocratie.
- A qui profite le supercapitalisme ?
aux investisseurs qui maximisent leurs revenus
aux consommateurs qui paient de moins en moins cher
- Mais c'est néfaste !
à la production de biens publics
à la sécurité de l'emploi
au long terme
au climat social, au climat environnemental
Ce que nous voulons en tant que consommateur et épargnant va à l'encontre de nos aspirations en tant que travailleur et citoyen du monde...
- On a longtemps associé la liberté en économie et la liberté en politique, est-ce vrai ?
C'est faux ! Le capitalisme se renforce au détriment de la démocratie. Cette dernière répond de moins en moins bien aux besoins des citoyens.
Regardons la Chine, elle développe une nouvelle forme de capitalisme ultra autoritaire. Si nous ne faisons pas attention, nous pourrions bien finir ainsi.
- Les ONG font un travail important, constituent-elles une forme de réponse ?
Certes, les ONG font beaucoup de travail, mais au final la pression qui s'exerce sur les entreprises pour maximiser le retour sur investissement des actionnaires ne les autorisent pas à privilégier objectifs sociaux ou environnementaux...
- La Responsabilité Sociale des Entreprises, la fameuse RSE, est-elle un leurre ?
La RSE, c'est purement des relations publiques !
Les entreprises en font juste assez pour soigner leur image.
Le danger est que l'opinion publique finisse par croire que les entreprises ont de réelles préoccupations sociales alors qu'il n'en est rien.
Par ailleurs, en matière d'environnement, vous ne les verrez jamais sacrifier leur retour sur investissement.
- Quid de l'investissement socialement responsable ?
Même topo. Cette forme d'investissement qui représente moins de 2% des placements mondiaux bute sur deux problèmes : l'investisseur individuel prêt à perdre un peu de rendement, sera réticent à le faire si les autres ne le font pas.
Il en va de même pour les consommateurs : ils sont prêts à payer plus cher seulement s'ils sont certains que cela peut être utile.
Sans compter qu'il faut se mettre d'accord sur ce qui est socialement responsable ! Pour certains, l'énergie nucléaire est une énergie propre, pour d'autre un risque énorme à éviter !
- Rôles des uns et des autres et démocratie :
Les marchés sont très bons pour satisfaire les besoins des consommateurs et sont très mauvais pour traiter les questions sociales et environnementales. Laissons les marchés agir là où ils sont efficaces. Mais la démocratie dépend de la façon dont les gouvernements organisent les marchés...
- Des solutions ?
Si l'on veut développer les infrastructures, les couvertures sociales, il faut bien trouver de l'argent.
Aux Etats-Unis, le seul moyen est de taxer les très riches. Il ne faut pas oublier que dans les années 50, les très hauts revenus y étaient taxés au taux de 91 % !!! Aujourd'hui, les gérants de fonds sont taxés à 15 %. Mais si leur taxation passait à 40%, bien rares sont ceux qui quitteraient les Etats-Unis.
- Quid du patriotisme économique ?
Notion erronée ajourd'hui. S'il existe encore de grandes entreprises nationales en France et en Europe, la plupart des grandes entreprises travaillent sur des marchés mondiaux. Elles organisent leur chaîne de production à l'échelle planétaire. Le lien entre les entreprises et leur pays d'origine est rompu. La notion de patriotisme économique est obsolète aujourd'hui. Le soutien gouvernemental aux champions nationaux pouvait se justifier quand cette aide profitait aux salariés qui travaillaient dans le pays. Ce n'est souvent plus le cas aujourd'hui...
- Face au supercapitalisme montant, l'Europe est-elle dans la même posture que l'Amérique ?
Les investisseurs ont partout la même logique. Les Européens pourraient mettre des bâtons dans les roues des entreprises étrangères qui veulent acquérir leurs firmes... mais cela entraînerait une baisse de l'investissement, et encore plus du niveau de vie et des salaires. Cercle vicieux.
L'Europe va devenir à son tour supercapitaliste. Sans compter la perte de confiance des citoyens vis-à-vis de leur gouvernement et de l'avenir de la démocratie...
- Comment restaurer la foi dans la démocratie ?
D'abord, il faut bien comprendre les ressorts du supercapitalisme.
Ensuite, pratiquer notre citoyenneté.
Nous sommes très bien éduqués en tant que consommateurs. Mais nous n'apprenons plus la citoyenneté, nous ne savons parfois plus ce que c'est. Enfin, nous avons besoin d'une nouvelle génération de leaders. Des leaders politiques. Des leaders d'entreprise capables d'aller voir les gouvernements pour leur dire : "nous avons besoin d'une loi pour nous contraindre à mieux protéger l'environnement, parce que nous ne pouvons pas le faire nous-mêmes."
- Voyez-vous émerger une telle génération ?
Oui, tout récemment. Aux Etats-Unis, ces thèmes montent y compris chez les Républicains, dont John McCain : la question du financement des campagnes électorales par les entreprises, l'influence des entreprises et des lobbies sur la politique, certains chefs d'entreprise qui demandent au Congrès l'instauration de système de droits à polluer... Tous les Démocrates appellent à une diminution du rôle des entreprises dans la politique. Barack Obama, en plus, intéresse les jeunes. Il a cette façon de faire passer les messages comme savait le faire Kennedy...
> Voir : Le blog de Robert Reich
> Bibliographie : "Supercapitalisme" (Ed. Vuibert, 2008)
"L'Economie Mondialisée" (Ed. Dunod, 1991)
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