Cath est "off limit" ces jours-ci, elle m'a laissé les clefs de la Planète ;) Ci-après des mots que moi, Cathy, j'aimerais savoir dire à quelqu'une que j'aime tendrement. Je ne peux pas. Je ne sais comment... Peut-être que ces quelques lignes viendront se poser sur la croisée de sa fenêtre... peut-être....
Elle est celle chez qui tout est repère, tout est familier, tout est confortable.
Rien n’a bougé depuis des lustres.
Le tiroir à chocolat, la petite paire de ciseaux à ongles pendue au crochet de l’armoire de la salle de bain, le bruit de la porte du sous sol, le parquet qui craque, l’odeur de la maison, l’odeur de notre enfance.
Elle attend en tripotant le coin de son gilet et elle nous reçoit avec toujours le même sourire, l’œil juste un peu plus trouble, la démarche de moins en moins assurée, toute petite, de plus en plus petite.
Sa vie ne lui appartient pas, elle l’a donnée aux autres.
Frères, enfants, petits enfants et arrière petits-enfants, une vie à s’oublier, à n’être heureuse qu’au travers de notre bonheur à tous.
Rien, elle ne regrette rien… partir, s’endormir chez elle en nous sachant tous heureux, voilà ce qu’elle voudrait.
Son corps lui fait mal. Rien n’est épargné. Tout est usé.
La tête et le cœur vont bien.
Le cœur pour nous aimer, jusqu’au bout, et la tête pour la lucidité.
Voir sa vie qui fout le camp et encore hésiter à demander, ne pas déranger…
Elle nous a tous dorlotés, soignés, nourris, embrassés et toujours gentiment disputés.
Sa maison est mon port d’attache, mon refuge.
Elle est la raison de mon équilibre et je ne sais pas lui dire.
Je ne veux pas qu’elle parte, jamais. Tant qu’elle est là, j’y suis aussi, encore un peu enfant, toujours sa petite rouquine.
Elle a peur ma petite Mamie. Bien plus que la peur de mourir, c’est la peur d’aller dans une maison
pour les vieux qui la tétanise.
Bien sûr, elle sait qu’elle ne peut plus faire grand-chose, que même sortir sur le trottoir pour acheter
son pain au boulanger ambulant, elle ne peut plus. Elle ouvre sa fenêtre, tend le bras puis retourne dans sa boîte.
Les journées passent ainsi, rythmées par quelques visites, le téléphone, parfois le médecin.
Elle ne se fait plus à manger.
De toutes façons, elle n’a envie que de sucré et puis, avec ses yeux, elle ne voit même plus ce qu’il y a dans son assiette.
Moi, je ne veux pas qu’elle finisse sa vie en ayant peur.
Je voudrais pouvoir lui dire «dors tranquille Mamie, tu resteras ici. T’as envie de sucré ? bouge pas, je vais te faire une tarte aux pommes, comme tu nous faisais. Tu te rappelles le cidre de frênette ? T’es fatiguée ? Viens, dors ma petite Mamie, repose-toi, tu l’as bien mérité».
C'est parfois si difficile de dire "Je t'aime"...
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