Tunis, décembre 2006 - Kaouther Bellouednine est une jeune femme aux yeux noir de jais profond, crépitant d’étincelles de feu, lorsqu’elle parle de son art et de l’héritage qu’elle est seule à porter en Tunisie : vitraux et mosaïques.
Pour elle, ils sont l’expression finale de travaux et recherches pour une maîtrise du verre sous toutes ses textures et de ses alliances avec d’autres matières, tel que le cuivre, le bronze...
Avec Kaouther, nous sommes confrontés à ces chercheurs de l’expression artistique, qui ne se contentent pas de reproduire les expériences déjà vécues, mais qui explorent, torturent la matière afin qu’elle finisse par restituer la vision qui l’habite.
La maîtrise des techniques classiques est indispensable pour "déstructurer, puis redonner à la matière dans sa noblesse et richesse un espace accessible à une sensibilité contemporaine", ainsi que l'exprime Kaouther.
C’est pourquoi, dans ses travaux actuels, l'artiste a abandonné les constantes des vitraux et des mosaïques, qui sont une intégration dans l’espace architectural et un traitement à plat des compositions.
Déjà en 1999, avec le tapis volant, Kaouther avait rompu avec ce traditionalisme en libérant l’œuvre du contexte architectural, utilisant l’espace comme le font les mobiles pour les sculptures, avec la complicité de la lumière et des ondulations.
Toiles, sculptures enrichissent son atelier et et son espace de vie et de lumière. Le verre y est présent sous toutes ses formes et ses traitements captent et nous renvoient comme un jeu toutes les nuances de la lumière.
Kaouther affectionne les compositions en partant du blanc, puis travaille ses déclinaisons jusqu’à l’anthracite, la rupture de couleur est toujours présente avec la force de l’accident.
Le cuivre, la fonte, la résine, le béton armé viennent tour à tour combler les espaces ou enrichir l’œuvre d’une touche à chaque fois naturelle.
Comment traduire par les mots ce qui est visuel, sensuel, par l’image numérique ce qui est tactile et occupe l’espace... ?
Un long passage dans l’atelier attenant, où le four trône en son centre, la découverte de la complexité d’élaboration d’une pièce qui sera un élément constitutif d’une œuvre, m’a permis de mieux appréhender la double approche de Kaouther technique et artistique.
La variété des types de verre, la réactivité des pigments et oxydes nous entrouvrent les portes de la science car, outre la complexité physique et chimique des verres, les différent traitements et les alliances avec les pigments ou oxydes viennent interférer lors des cuissons au rendu de la pièce parfois d’une manière aléatoire.
Ces travaux constitueront la thèse que prépare actuellement Kaouther.
La finalisation de sa vision conceptuelle la guide pour réaliser et assembler les différentes textures de verre et intégrer dans la composition de nouveaux matériaux parfois inattendus.
La maîtrise artistique et technique de Kaouther est établie auprès des institutions publiques et privées tunisiennes. La reconnaissance des voies contemporaines qu’elle explore ne saurait tarder.
Aujourd’hui, sur son plan de travail, un vitrail classique de la fin du XIXème siècle en cours de restauration, qui fait suite à une fontaine monumentale du musée du Prado, et qui précède un ensemble de vitraux du siège d’une banque.
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L'émotion de cette rencontre avec Kaouther Bellouednine nous est transmise par Yves de retour de Tunisie.
Yves collabore à la rénovation de la Médina de Sousse, dont il est tombé sous le charme des ruelles, des portes, des maisons et de quelques habitants qui tentent de sauvegarder ce lieu de vie et de traditions ancestrales.
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