Ame sensible, passer à l'écart.
Epoustouflante démonstration des Frères Coen avec No Country for Old Men. Une tension qui rappelle Tarentino (époque Reservoir Dogs) et une absolue désespérance pour des personnages ciselés avec une lame rouillée mais salement tranchante.
Le héros de l'histoire, c'est le "tueur psychopathe". Incarné par Javier Bardem, un ours, une montagne d'homme.
Dès le début, je tombe dans l'écran, foudroyée d'horreur sans rime ni raison devant autant d'absence de conscience de l'autre. Devant une telle animale violence.
Puis, au fur et à mesure que le conte se déroule sur fond d'une mallette bourrée de dollars, enjeu très secondaire du film, je m'attache à l'indestructible bête immonde.
Pour finalement (erreur que ce "finalement" car le film ne se conclut pas, le tueur s'éloignant d'un pas haché à la fin, un "Usual Suspects" à rebours) recevoir dans la gueule la totale humanité de cet individu...
L'humanité d'un temps nouveau, une intelligence au-delà de la détresse qui a explosé règles et raisons, ne parie plus que sur la chance, pile ou face, ce qui réduit de moitié les occasions de faire fausse route.
Un héros moderne. Les vieilles règles conduisent à la souffrance et à la mort. Ses règles à lui, basées sur des principes simplissimes, un engagement, une promesse à tenir, lui permette de survivre dans un univers définitivement hypocrite, corrompu et mensonger.
En face de la bête, le vieux flic fatigué, qui on ne la fait plus. Les Frères Coen adorent ces caractères ("Fargo", déjà, souvenez-vous). Tommy Lee Jones. Bouleversant. Yeux en berne de l'homme de peu de mots qui aligne quelques réparties à la gomme et étonnamment drôles. Lancé à la poursuite du tueur, il jette l'éponge et raccroche. Va voir son vieux père. Se retrouve à la maison avec sa femme et ses chevaux. Ce n'est plus un monde pour les hommes d'avant.
Une pléiade d'acteurs aux cordes tendues prêtes à craquer sur fond de paysages texans, de motels désolés et de réminiscences de "Nam", dernier repère quand tout a disparu. L'Amérique contemporaine. Ce qui nous attend.
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