Abraham :
J’ai rencontré C... hier soir dans une galerie et comme dans toute première rencontre on se raconte, c’est ce que j’ai fait, et elle s’est mise à la croisée de nos deux histoires.
Effectivement en lisant les 2 extraits de ton livre à venir – je l’espère– je retrouve bien des points parallèles.
En 60 et 61, j’avais 13-14 ans et j’étais au Lycée Bugeaud en 5ème et 4ème et par les circonstances de la vie –mon père était gravement malade, j’habitais chez ma tante et mon oncle à l’école du boulevard de la Victoire, les Ankaoua y étaient instituteurs– et tous les jours avec un de mes deux cousins, nous descendions en bus vers le lycée, et quelquefois nous remontions en traversant la casbah et flânions dans les ruelles.
Lorsque j’évoque cette période comme la Madeleine de Proust, je suis assailli par le goût, l’odeur des beignets et l’image de ce vieil homme qui, avec sa friteuse à roulettes, se postait sur notre trajet de retour...
Nos chemins se sont-ils croisés ou avons-nous tracé le temps en parallèle comme certains écrivains ou cinéastes qui ont relaté ces trois ou quatre années ?
Je me souviens de mon voisin de classe qui avait le même prénom que toi, à moins que ce soit Mohamed, très brillant en français, alors que moi mon domaine était les maths.
Ahmed :
Je pense être un peu plus jeune que toi, car je ne suis rentré en 6ème qu'en 63.
Je ne suis pas allé au Lycée Bugeaud, mais Guillemin. Tu devines pourquoi j'ai laissé l'ambiguïté, les deux lycées se trouvant aux frontières des deux quartiers, Bab El Oued et la Casbah, l'un vers le haut, l'autre vers le bas.
J'étais un matheux, un physicien en fait.
Mon livre, si je le termine, est un condensé de plusieurs histoires fictives dont les personnages sont réels. Je parle à la première personne, car c'est plus simple pour s'exprimer. J'ai tenté de centrer l'histoire sur un personnage en écrivant "il", et n'ai pas réussi. Comme les comédiens, c'est plus facile de rentrer dans la peau du personnage.
D'ailleurs, quand je lisais un livre, je rentrais souvent dans le livre et je vivais, comme dans un rêve, ce que vivaient les gens du livre (avec un "l" minuscule, pour ne pas confondre avec les gens du Livre...)
J'aurais plaisir à discuter avec toi.
Abraham :
Parallèles dans l’espace temps mais toujours vécu, une tranche de vie, un verre pour attiser la mémoire.
Quand ? Où ?
Une vidéo à cette occasion et pourquoi pas, pour le blog, faire suivre les rencontres avec d’autres comme Alexandre Arcady ("Là-bas, mon pays", 1999), Jean Ferrandez (auteur de BD, dont Carnets d’Orient) qui ont sensiblement le même âge, et d’autres encore...
Les traces c’est tellement humain.
J’ai aimé les portraits de Farid Benyaa.
Ahmed :
J'ai beaucoup aimé Carnets d'orient. Cette quête de la mémoire ... Arcady est un peu inégal (son coeur balance...), mais c'est toujours beau ce qu'il fait.
Abraham :
OK pour Arcady mais je pensais à « Là-bas, mon pays ».
Tu as dis physicien, as-tu poursuivi dans la recherche ?
Moi, j’avais créé une agence de marketing et de comm' scientifique/sciences analytiques, j’ai lancé des publications, de conférences, symposium.. et fais encore du conseil.
Ahmed :
J'ai fait un doctorat en radioactivité.
Ensuite, de l'informatique, des télécoms, libraire quelques temps, dirigeant d'une PME dans les réseaux et télécoms, consultant aujourd'hui en SI et réseaux, accessoirement je tente de finir mon bouquin grâce aux encouragements de C...
Pour te faire rire, voici un petit extrait de ce que je suis en train d'écrire :
"... Les galaxies se fuient en vieillissant. Elles évitent de rentrer en conflit nucléaire avec leurs cousines. Les hommes devraient en faire autant.
Quand on sait que l’univers est né d’une terrible tragédie, je me dis que plus on s’éloigne de ses parents et de ses amis, moins on a de risque d’altercations...
La physique nous apprend aussi l’existence de lois gravitationnelles, électromagnétiques, nucléaires, etc... L’ensemble de ces lois ont quelque chose en commun : l’attraction des contraires.
..Je n’aimerais pas que les galaxies raisonnent comme les hommes. Une galaxie qui tombe amoureuse d’une autre, et se met à se rapprocher de son aimée, vous devinez le résultat ..."
Bon, cela n'a rien à voir avec notre propos, mais c'est rigolo d'appliquer quelques lois de la physique au comportement humain. On fabrique des raisonnements tout-à-fait amusants, un peu cyniques.
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