Pendant que vous faisiez bronzette au grand "soleil de mars : soleil des fous", et pour faire suite à la série des tribulations d'une salariée dans l'univers des NTIC , volet 1 et volet 2, Cecila et moi avons cogité ce dimanche sur les mille et une façons de vous plomber la semaine de boulot dès le lundi... ;)
Donc, reprenons :
D'un côté le "roi du bocal", manager de BU, chef d'équipe, etc...
Face à lui, les résidants du bocal, les membres de l'équipe, que nous désignerons sous le terme de "cornichons" (merci Marcus pour ta contribution !).
Aux cornichons en détresse, captifs de l'écosystème du bocal, voici la solution pour en sortir > placer une bombe à retardement dans le bocal. Et celui-ci volera en éclats.
Le terrorisme est un terme qui a été très utilisé ces derniers temps. Et bien, nous allons en rajouter une couche. Mais cette fois-ci, il ne sera pas question d'Al Qaeda.
Non, nous allons parler de "l'ingénieur lambda"... "L'ingénieur lambda" n'a, de prime abord, rien à voir avec le terroriste tel qu'on nous le décrit. Il ne tue pas... directement. Il est bien habillé, poli, courtois et bien intégré à la société. Il sait manier les bonnes manières pour se faire bien voir de tout le monde.
Comment un tel individu pourrait-il se transformer en terroriste?
Le "terrorisme technologique" est la conséquence de la "maladie du bocal".
Si vous avez suivi le feuilleton ICI et ICI, vous savez de quoi nous parlons. Sinon, prenez le temps de le lire et de réagir face à l'existence et la pérénité de tels "éco-systèmes d'entreprises"...
Donc... certains cornichons, résidants du bocal, finissent par tomber malades. Ils ne savent plus comment faire pour sortir du bocal. Le désespoir les envahit.
On leur explique qu'on ne leur donnera pas de projet.
On leur dit que s'ils veulent travailler, ils doivent trouver eux-mêmes leur projet.
Et on leur fait comprendre que l'espérance de vie d'un salarié qui ne travaille pas n'est pas très longue.
Ils n'ont pas le choix, ils doivent démarcher leurs collègues pour trouver du travail.
Une fois la cible repérée, il faut se vendre...
Alors le salarié doit se montrer sous son meilleur jour : motivé, proactif, fonceur...
Bref, il faut être son propre commercial.
Dans sa quête désespérée de travail, couloir après couloir, open space après open space, ascenseur après ascenseur, le cornichon épuisé finit par croiser Dark Vador.
Dark Vador lui explique qu'il existe un moyen pour sortir du bocal.
Le cornichon voit la lumière au bout du tunnel... ou plutôt, au bout du bocal.
Le salut vient du côté obscur de la force !
Dans son désespoir, le cornichon n'hésite pas un seul instant : Il devient adepte de son nouveau maître à penser... Dark Vador.
Ce personnage est le "dieu caché du bocal". Officiellement, il n'existe pas. Il est absent du "discours bien pensant". Mais il se cache dans l'ombre...
Et, tôt ou tard, les autres "âmes à la dérive" dans le bocal finissent par le rencontrer aussi...
Quel est le message de Dark Vador ? Que dit-il dans ses prêches?
Son message est simple. Il tient en peu de mots :
Dark Vador : "Si tu veux sortir du bocal, il faut que tu terrorises ton dieu du bocal, c'est-à-dire, ton manager."
Le cornichon à la dérive : "Mais comment faire ? Le dieu du bocal est tout puissant !"
Dark Vador : "Mais si, tu peux... Le côté obscur de la force est avec toi !".
Le cornichon à la dérive : "Guide-moi !".
Alors Dark Vador commence son enseignement. Et, petit à petit, le cornichon à la dérive comprend que le côté "sombre de la force" est bien plus puissant que le côté "politiquement correct".
Tu vois, dit Dark Vador, il te suffit de prendre un projet stratégique et de tout faire pour que tu deviennes indispensable aux yeux de ton dieu bocal.
Pour cela, c'est simple : Oublie le discours officiel.
Oublie ce que l'on t'a enseigné à l'école.
Mets de côté ta conscience professionnelle.
Oublie la morale.
Ne comprends-tu pas ?
Regarde, ouvre les yeux.
Les mafieux réussissent.
Voilà ce que tu dois faire :
Ne produis pas de documentation. La documentation est ton ennemie ! La documentation te tuera !
Si on t'oblige à rédiger de la documentation, alors tu n'as qu'à écrire de la documentation inoffensive. Une documentation "creuse", sans intérêt, sans importance.
Jamais elle ne se retournera contre toi.
Ne partage pas l'information... Le partage est une mauvaise chose.
L'information est une monnaie d'échange. Elle se vend très cher, elle ne se partage pas !
Si on t'oblige à la partager, tu as une solution. Tu donnes des brides d'information à des personnes qui ont des intérêts opposés (qui sont en concurence).
Chacun de ces individus ne possédera qu'une petite partie de la connaissance...
Il sera inoffensif. Et il ne la partagera pas avec ces concurrents.
Toi seul auras le savoir global.
Si tu développes des logiciels, ne commente surtout pas ton code. Il faut éviter qu'un cornichon concurrent puisse te voler ton projet.
Si on t'oblige à commenter ton code, alors tu peux toujours mettre des commentaires inutiles ou très difficiles à comprendre (tu n'es pas bilingue en anglais, dis ?).
Si tu développes des logiciels, fais exprès d'utiliser des constructions vraiment très compliquées, inutilement compliquées. Tu utilises ton cahier à petits carreaux pour décrire tes structures...
Mais tu ne produis aucune documentation.
Toi seul es capable de t'y retrouver.
Et surtout...
Tu dis à ton dieu du bocal que tout va bien !
Tu dis "oui" quand il te demande des évolutions...
Chaque évolution va compliquer un peu plus la grosse usine à gaz que tu t'évertues à complexifier de plus en plus.
Tu dis "oui" quand on te demande d'interfacer ton usine à gaz avec les autres systèmes (les autres usines à gaz).
Plus il y aura de dépendances croisées, et plus ton usine à gaz sera difficile à détruire.
Ton usine à gaz finira par devenir incontournable.
Elle aura tissé tellement de liens qu'elle deviendra indéracinable.
Tu fais des heures supplémentaires pour satisfaire ton dieu du bocal.
Et puis, un jour, tu fais comprendre à ton dieu du bocal que tu veux sortir du bocal.
Tu lui fais comprendre que s'il refuse, tu quitteras le bocal de toutes façons.
Et surtout, tu lui montres à quel point ta grosse usine à gaz est devenue indispensable !
Quand il se rendra compte que tu es le seul à maîtriser la bête, alors il sera terrorisé.
Et là, tu peux négocier ! Tu exigeras de sortir du bocal !
Un autre pauvre cornichon prendra ta place.
Il se fatiguera à dompter la "grosse bête" que tu auras laissée derrière toi.
Tu feras semblant de l'aider. Mais, en réalité, tu le laisseras se dépêtrer.
Il deviendra "expert d'une usine à gaz", sans jamais vraiment tout maîtriser... Mais qu'importe...
S'il est intelligent, il suivra le chemin que tu as emprunté.
C'est bien, le côté obscur de la force aura fait un nouvel adepte !
Dans le cas contraire, il s'épuisera et finira pas "péter un câble".
Cela veut dire qu'il n'est pas encore prêt à rallier le côté obscur...
Un jour, il nous rejoindra...
Nous observons fréquemment cette technique à l'oeuvre. Cela fonctionne. Heureusement, les jeunes recrues ne sont pas encore "déformées" par ce système inepte. Mais il faut bien survivre non ?
"Le travail, c'est le bonheur : c'est l'activité humaine principale, source de stimulation mentale pour les individus et essentielle à l'intégration sociale", déclare Edmund Phelps, Prix Nobel d'Economie 2006.
Par contre, il constate que "cette bonne vie, cette stimulation" ne sont possibles que dans les économies dynamiques. L'Europe, selon lui, souffre d'institutions qui défavorisent l'innovation au lieu de la favoriser. Son corporatisme protège les industriels, les banques et les "salariés installés" au détriment de l'engagement des travailleurs et la confiance dans leur capacité à résoudre les problèmes.
Cecila ? Ne devrions-nous pas inviter Mister Phelps à venir faire trempette dans le bocal lors de ses prochaines vacances dans notre beau pays de France ?
A consulter :
Econoplaste, "l'économie pour les nuls et les autres"
Edmund Phelps, un Nobel qui a bataillé contre le CPE, Libération 10 oct 2006
Et bien entendu le Blog de l'Indélocalisable qui nous propose un billet bien senti sur les entreprises à haut degré de gicle !
Merci à Getty Images pour les belles images et à Photoshop pour les beaux montages !
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